@World of Buhurt

Interview avec Pierre - Arbitre de Béhourd

De bénévole à responsable du comité d'arbitrage, Pierre a façonné la structure de Buhurt en France. Découvrez son parcours, de son premier tournoi en 2015 à son rôle crucial dans la gestion et la coordination de l'arbitrage à travers le pays !

Présentation

Bonjour, je m'appelle Pierre. Je suis rattaché à l'Ordre de Sinople, une équipe basée à Angers que j'ai fondée il y a quelques années, ainsi qu'au Comtois, en Franche-Comté. Moi, je suis dans le Béhourd depuis 2015. J'ai découvert mes premières compétitions cette année-là, notamment le Choc de Fer à Murol, en Auvergne. C'était incroyable.

Rapidement, la même année, je me suis dit : "Quand est-ce que je peux devenir bénévole ?" Il y avait le tournoi de Vincennes, on m'a dit que j'étais le bienvenu, et voilà. Petit à petit, en 2016-2017, je suis devenu commentateur sur un tournoi, puis arbitre. Aujourd'hui, je suis à la tête du comité arbitral avec Salomé et Éléa, et nous nous occupons de gérer et de coordonner tout l'arbitrage en France.

Peux-tu expliquer quel est le rôle d'un arbitre pendant un tournoi de Béhourd ?

D’une manière générale, les arbitres doivent faire appliquer les règles du tournoi en fonction du set de règles choisi, qui dépend de la fédération : soit Buhurt International, soit IMCF. Actuellement, en France, on applique surtout les règles de Buhurt International, même si cette année, on utilise les règles HMB, car la traduction des règles de Buhurt International n'est pas encore terminée. Ce sera donc pour l’année prochaine (2025).

Ensuite, selon la position de l'arbitre dans l’équipe d’arbitrage du tournoi – que l’on appelle Marshal Squad simplement parce que ça claque, c’est juste ça.

Il y a d’abord les apprentis, qui sont là pour se former et n'ont pas d'incidence sur les décisions. Ils apprennent aux côtés d'un arbitre de touche, qui se tient autour de la zone de combat et communique avec les arbitres de lice.

Ces derniers ont le droit d’intervenir directement : ils peuvent, par exemple, coucher un combattant au sol ou arrêter un combat si nécessaire. Enfin, tout le monde rend des comptes au Knight Marshal, l’arbitre en chef. Son rôle est de gérer les arbitres du tournoi et d’appliquer les sanctions. Voilà, c'est comme ça que ça fonctionne.

Tout ce petit monde fonctionne en synergie. Les arbitres de lice et de touche peuvent d'ailleurs alterner leurs rôles. Parfois, ils passent en lice, parfois ils en sortent. Cela permet à certains de se former et de prendre de l’expérience, mais aussi de souffler après avoir enchaîné plusieurs gros matchs. Lors de rencontres avec moins d'enjeux – par exemple entre deux équipes débutantes – les arbitres peuvent se reposer un peu, tout en permettant aux nouveaux de s'entraîner dans un cadre plus serein.

Quels sont les aspects les plus cruciaux à surveiller ? 

Alors, ça peut paraître un peu bateau à dire, mais le respect des règles est primordial. Ensuite, tout dépend de la position de l'arbitre, que ce soit autour ou dans la lice.

Par exemple, le Knight Marshal doit faire attention à tout. T'es constamment en hyper vigilance : tu dois faire gaffe à tout ce qui se passe, aux autres arbitres, aux décisions qui sont prises, à chaque action.

Après, quand tu es arbitre de lice, tu fais d'abord attention à ta sécurité physique, puis à celle des combattants. Par exemple, appliquer la règle de suprématie, ça veut dire : à un ratio de 3 contre 1, on stoppe le combat ; à 5 contre 1, on arrête immédiatement, car le risque de blessure pour le combattant devient trop élevé.

Enfin, les arbitres de touche, eux, doivent faire attention à tout ce qui se passe dans la lice pour justement intervenir et communiquer avec les arbitres de lice, afin de s'assurer que les décisions et les actions soient rapidement prises par les arbitres au centre du combat.

Comment faites-vous pour prendre des décisions rapidement pendant les combats ?

Ça va être l'expérience, ça va être l'analyse du combat. Il y a plein de formes de décisions qui vont être prises. Par exemple, où je me place quand je suis en lice : si un hastier est en train de frapper, que je sois dans la lice ou en dehors, je dois faire attention à l’axe des coups pour éviter d’en prendre un ou de me retrouver entre deux combattants.

Il faut souvent voir l'action jusqu'au bout, car parfois, un combattant, après avoir réussi à mettre un adversaire au sol, peut trébucher légèrement, appuyer son bouclier au sol et se relever. Là, il faut intervenir rapidement et observer l'intégralité de l’action, tout en ayant les yeux partout, ce qui est compliqué, on ne va pas se mentir. C’est pour ça que les arbitres doivent communiquer entre eux pour savoir qui regarde où dans la lice. C’est aussi le rôle du Knight Marshal de coordonner les arbitres.

Après, on met toujours le bâton. On ne porte pas de pièces d’armure, même si certains combattants nous l'ont recommandé. Un arbitre qui s'équipe systématiquement de pièces d’armure va se mettre en danger dans les combats de mêlée : il se permettra d’avancer plus, fera moins attention à sa sécurité et risque aussi de manquer une action. En revanche, avec le bâton, on garde du recul, on continue à surveiller ce qui se passe autour et on peut agir rapidement.

Quelles sont les fautes que vous rencontrez le plus fréquemment et quelles sanctions appliquez vous ?

Les sanctions qu'on voit le plus souvent, ce sont les coups à la nuque et les coups aux parties, c'est ce qui arrive le plus fréquemment. Dans ces cas-là, c'est un carton jaune. S'il y a répétition de l'action, c'est un carton rouge. Si un coup interdit est porté sur un combattant et que ce dernier ne peut plus continuer à cause de la blessure qu’il a subie, alors c’est carton rouge directement.

Après, il y a une autre chose qu'on voit souvent : la perte de pièces d'armure. Dans ces cas-là, on met le combattant au sol. Si cela arrive trop fréquemment, on peut lui mettre un carton jaune. Ça peut être un casque qui s’enlève trop souvent, qui glisse, un gant qui tombe régulièrement ou encore une attache qui casse constamment.

Dans ce cas-là, on laisse passer une fois, deux fois grand max. Après ça, on demande au combattant de corriger le problème et on vérifie. S’il satisfait aux exigences, il peut entrer en lice ; sinon, il ne rentre pas. C’est simplement pour leur sécurité.

Quels ont été les moments les plus difficiles ou les décisions les plus compliquées que t'aies eu à prendre ?

Alors, le moment le plus difficile, c'était à la Cassine en Ardenne. L'année dernière, c'était mon premier tournoi en tant que Knight Marshal. J'ai eu une baston générale qui s'est déclarée entre deux des meilleures équipes de France, à cause d'un simple malentendu. C'était vraiment un quiproquo bête : l’un croyait que c'était l'autre qui l'insultait, alors qu'en réalité, c'était un gars de sa propre équipe.

Là, on voit tous les combattants des deux équipes entrer en lice, les écuyers aussi. Ça commence à se donner des coups dans tous les sens. Nous, on est là, avec nos bâtons, en train de dire "Stop, stop, stop"... C'était une horreur. Sur le coup, je ne savais pas quoi dire, parce que c'était la première fois qu'un tel truc arrivait en France.

J’ai simplement mis un avertissement aux deux équipes. J’ai eu la chance d’avoir des arbitres plus expérimentés avec moi, qui m’ont aidé et m’ont dit : "Là, ça ne suffira peut-être pas." Effectivement, je n'étais déjà pas convaincu qu’un simple avertissement suffise pour une baston générale.

Je suis donc allé voir les deux capitaines et je leur ai donné un carton jaune général. Avec le recul, ça aurait clairement mérité un rouge, mais bon... C'était une première fois, pour eux comme pour moi. Je reconnais mon erreur là-dessus.

Ça a été compliqué, parce que mine de rien, les combattants sont intimidants. Avec leurs pièces d’armure, on sait qu’ils peuvent s’énerver, pas forcément contre nous, mais sous l'effet de l’adrénaline, on ne sait jamais. Globalement, ça se passe bien, mais il faut aussi savoir attendre le bon moment pour discuter avec les combattants.

Les deux m’ont écouté. J'avoue que j'ai un peu joué la carte du "Je ne suis pas en colère, mais je suis déçu". Ça a été compliqué de gérer des personnes que je ne pouvais pas arrêter. Ils ont fini par se calmer, mais ça a été très stressant et éprouvant sur le moment.

Comment maintenez vous l'impartialité et la confiance entre vous, les combattants et les équipes ?

C'est un gros travail, parce qu'effectivement, au début, l'arbitrage était assez compliqué. Il n'y avait pas de structure, pas de comité. C'était vraiment un rapport de force entre les quelques personnes qui se lançaient dans l'arbitrage – il n’y en avait pas beaucoup à l’époque – et les combattants.

Vraiment, ça se parlait mal, etc. Puis, nous avons eu Jean-Michel, un combattant des Bécuts de Gascogne – une équipe qui n'existe plus – qui a fondé le comité d'arbitrage avec Xavier et Romain. Ce sont eux qui ont été les premiers à structurer le comité arbitral.

Jean-Michel avait une approche beaucoup plus pédagogique avec les combattants. Il disait : "OK, donc là, t'es énervé, prends 30 secondes. Une fois que tu es redescendu, je t'explique : j'ai pris telle décision parce que ça, ça, ça, ça." Et tout de suite, ça simplifiait énormément les échanges avec les combattants.

C'est un travail de chaque tournoi, rien n’est jamais acquis. La confiance se construit avec les combattants, et on prend le temps de les écouter. Certains arbitres étrangers disent qu'on passe peut-être trop de temps à écouter les combattants, mais c'est notre manière de faire.

Et c'est justement ce qui nous permet de prendre des décisions parfois difficiles, que les combattants acceptent et respectent. On les en remercie pour ça.

Comment vous gardez l'impartialité ? En sachant que certains arbitres sont attachés à certains clubs ?

Effectivement, c'est une question qui revient régulièrement. Oui, un arbitre appartient à un club, mais quand il est sur un tournoi, il n'est pas l'arbitre de son club, il est l'arbitre du tournoi. Les arbitres, nous sommes la troisième équipe en lice. C'est ça qu'il faut retenir.

Si un arbitre n'est pas sûr de lui, cela arrive souvent chez les jeunes arbitres officiels – ceux qui viennent de valider leur apprentissage et qui commencent à arbitrer en autonomie. Certains préfèrent se mettre en retrait lorsqu'il s'agit d'un match où leur propre club combat, notamment si un proche (compagnon, compagne, ami) participe.

Ce n'est pas un problème. Dans ces cas-là, ils préviennent le Knight Marshal et disent : "Là, je préfère me retirer." Il n’y a aucun souci. Mais nous, au comité, on s’assure que chaque arbitre sait faire la part des choses entre son club et le tournoi.

Quels aspects du Béhourd, souhaiteriez-vous mieux expliquer au grand public ? 

Quand je suis commentateur, j’aimerais mieux me renseigner sur les origines historiques de ce sport et sur son évolution au fil des siècles. C'est ça que j’aimerais approfondir.

En second aspect, je dirais les techniques propres au Béhourd. C'est compliqué, parce que je ne suis pas un combattant. Il y a des techniques que je reconnais, mais comprendre pourquoi ils vont utiliser cette technique plutôt qu'une autre, cette stratégie plutôt qu'une autre, c’est plus difficile.

Il faudrait que j’échange davantage avec les combattants, pour justement mieux en parler au micro, vulgariser tout ça et le rendre accessible. Parce que souvent, quand les spectateurs arrivent sur un tournoi, au début, c’est un spectacle pour eux. Puis, certains comprennent que c’est un sport.

Y a-t-il un événement spécifique que vous avez arbitré qui vous a particulièrement marqué ?  

Il y a des tournois que j’ai aimés, mais j'en ai fait beaucoup.

Le dernier Tournoi des Flandres, où j'étais au micro, m'a marqué. Parmi les meilleures équipes du monde étaient présentes. J'étais fou au micro, à tel point qu’on s’est pris un point de côté tellement on criait !

Mais en tant qu'arbitre, un tournoi que j’ai vraiment beaucoup aimé, c'est la Coupe de France. C'est l’événement majeur de l’année, car toutes les équipes s’y affrontent, sans qu’un système de ligue ne soit appliqué.

Quelle est la part la plus gratifiante de votre rôle d'arbitre ?

Alors, ça va être tout bête, mais il y a deux choses.

Un dernier mot de la fin ?

Le Béhourd, c'est un sport. Ce n'est pas encore un sport officiel, mais on espère que ça le deviendra.C'est un événement sportif à chaque fois merveilleux. Un tournoi, c’est comme un rêve de gosse. Le Béhourd, c'est aussi une échappatoire. Ça me permet de couper avec mon travail. Je suis content d’avoir le Béhourd pour souffler un peu après ma semaine.

J’espère vraiment que ça va continuer comme ça, qu’on va pouvoir refaire des tournois internationaux, comme l’année dernière, et qu’on verra plein d’équipes s’inscrire en moins d’une heure, au point qu’il n’y aura plus de place. On sera même obligés d’organiser des tournois sur deux jours, tellement il y aura d’équipes. J’espère qu’on va revenir à ça, et c’est en bonne voie.